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Partage: Viol: faut-il décrire la sexualité des victimes au tribunal?

groupedesrecherchespcf Par Le 05/02/2019 à 21:11 0

Dans Actualités

Lors du "viol du 36", les habitudes sexuelles de la victime ont été scrutées. Un procédé qui n'existe pas dans les pays anglo-saxons.

La loi anglo-saxonne pourrait aller plus loin et empêcher de mentionner la consommation d'alcool dans une soirée qui a précédé le viol. (Photo d'illustration)

La loi anglo-saxonne pourrait aller plus loin et empêcher de mentionner la consommation d'alcool dans une soirée qui a précédé le viol. (Photo d'illustration)

 

(Klaus Rose/ullstein bild via Getty Images)

Lors du "viol du 36", les habitudes sexuelles de la victime ont été scrutées. Un procédé qui n'existe pas dans les pays anglo-saxons.

Sa personnalité a été au coeur du procès du viol du "36", la semaine dernière. Sa personnalité, mais surtout le mode de vie, les moeurs et les antécédents d'Emily Spanton, la touriste canadienne qui accuse de viols deux policiers de la brigade de recherche et d'intervention lors d'une soirée arrosée en 2014. Condamnés à sept ans de prison ferme la semaine dernière, la défense a annoncé son intention de faire appel et les policiers continuent de clamer leur innocence. 

LIRE AUSSI >> Deux policiers du "36" jugés pour le viol d'une touriste 

Dans plusieurs articles publiés tout au long du procès, le quotidien Le Monde dresse un constat amer quant à la stratégie employée par la défense, résumé en une phrase : "Trois semaines d'audiences rythmées par la mise en cause permanente, insidieuse ou virulente, de la partie civile" ; Emily Spanton est présentée comme une "partouzeuse", une "aguicheuse" qui a essayé "d'embrasser tout le monde au pub", déplore un autre de ses avocats. 

Ce qu'a déploré aussi son avocate, Me Sophie Obadia, qui a redouté au cours du procès "une inversion des rôles" qui "nous a menés à ce que je craignais : le procès de la victime". "La victime a été malmenée par la défense ce qui [...] ne devrait vraiment plus être le jeu. [...] On doit pouvoir se servir des éléments du dossier qui sont les faits, en revanche, chercher dans la vie antérieure, dans l'intimité d'une personne qui dépose plainte, ce qu'elle peut avoir de bien ou de mal, ça constitue un problème", déplore-t-elle sur BFMTV peu après le procès.  

"Chercher dans la vie antérieure, dans l'intimité d'une personne." L'avocate d'Emily Spanton peut faire ici une allusion à peine voilée à une notion de droit anglo-saxon, qui limite cette possibilité faite à la défense : ce sont la ou les rape shield laws. Des lois qui existent notamment au Canada, d'où est originaire la plaignante, et aux États-Unis. L'avocat Oudy Ch. Bloch, inscrit au barreau de Paris et de New York, revient pour L'Express sur cette notion. 

L'EXPRESS : Qu'est-ce que la rape shield law? 

Me Oudy Ch. Bloch : Aux États-Unis - mais la version canadienne doit être très similaire car aussi basée sur le droit anglo-saxon- cette loi interdit à la défense de présenter des éléments relatifs aux comportements sexuels antérieurs de la plaignante dans le but de la décrédibiliser. [Au Canada, le Code criminel interdit d'apporter la preuve d'une bonne ou mauvaise réputation sexuelle.] 

Quel est l'objectif de cette disposition législative ? 

Lors d'un procès aux États-Unis, le recours à des détectives privés qui vont fouiller dans le passé de la ou des parties civiles est très répandu, et cette loi permet de la ou les protéger contre toute atteinte de la vie privée. 

Cette loi a également pour but d'inciter les femmes victimes de viol ou d'agression sexuelle à porter plainte, en n'ayant pas peur que leur vie affective et/ou sexuelle soit intégralement déballée devant un jury. Outre-Atlantique, la présence de jurés est en effet beaucoup plus fréquente qu'en France. 

Dernier point : il peut y avoir des exceptions à la rape shield law, c'est-à-dire la possibilité laissée à la défense d'utiliser tel ou tel élément de preuve couvert par la loi. Mais cette exception doit être autorisée par le juge. 

Cette loi aurait-elle pu avoir un impact dans le procès du viol du "36" ? 

Je ne sais pas si les éléments [liés à la personnalité et aux moeurs d'Emily Spanton, ndlr] ont eu un impact sur le procès. En France, c'est effectivement assez classique d'invoquer le comportement de la victime présumée par la défense tenter de la décrédibiliser.  

Ce qui n'est pas le cas en Amérique du Nord. Les deux pays envisagent d'ailleurs à élargir la rape shield law aux vêtements portés par la plaignante et à sa consommation d'alcool - donc pas uniquement à ses antécédents sexuels - ce qui serait encore plus protecteur pour les plaignantes.

[SOURCE]

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